18 août 2013

La force des convictions

    Jésus disait à ses disciples : «Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé! Je dois recevoir un baptême, et comme il m’en coûte d’attendre qu’il soit accompli! Pensez-vous que je sois venu mettra la paix dans le monde? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. … (Luc 12, 49-51a).

    Ces paroles de Jésus, comprises à un premier niveau, ont de quoi fournir de bons arguments à ceux qui voudraient interdire toute religion, à tout le moins restreindre l’espace public qui leur est accordé, car les religions suscitent trop de conflits et de guerres. Il est vrai que des groupes, notamment terroristes, instrumentalisent la religion à des fins politiques. D’autres ont fait pareillement avec des systèmes de pensée philosophiques. Nous ne sommes pas à l’abri des intégristes et des esprits qui manquent de jugement, prêts à en découdre avec ceux qui ne partagent pas leur vision religieuse du monde. D’ailleurs Jésus a lui-même été victime de la conception rigide d’un système religieux.

    Revenons aux propos de Jésus. Le feu dont il est question est celui de l’Évangile avec sa force de transformation et de purification du cœur humain. Le baptême à recevoir annonce les souffrances de la passion de Jésus et son immersion dans la mort. Quant à la paix, il faut reconnaître que choisir Jésus et vivre de sa parole entraîne parfois des divisions, des dissensions, des froids entre des personnes, des conflits de générations. Mais on a souvent là le résultat de certains comportements où l’émotivité l’emporte sur la raison.

    En ces temps où l’individualisme imprègne les mentalités et les comportements, où le pluralisme guide la vie en société, on se heurte de temps à autres aux effets de cette culture moderne. C’est le cas notamment des demandes d’accommodements raisonnables pour des motifs religieux. Mais de façon plus large, il y a des différences qui suscitent des peurs, des divergences d’opinion qui semblent menacer la quiétude de la pensée unique, des consensus plus difficiles à obtenir que d’autres. Cependant, on ne peut pas se passer de ces citoyens/nes qui, en exprimant un point de vue différent, nous obligent à voir la réalité avec un regard différent et à relever avec audace les défis qu'ils pointent du doigt. C’est dans un tel contexte que nous vivons dans la foi en Jésus Christ et que nous cherchons des lieux et des manières d’en être les témoins, en sachant que dans certains cas on va susciter de la critique.

    Il est important que les chrétiens et les chrétiennes fassent entendre la Bonne Nouvelle. Il ne s'agit pas ici de se servir de l'Évangile comme s'il était un instrument de lutte mais plutôt comme une parole qui éclaire le sens de la vie à la lumière du projet de Dieu pour l'humanité. Il est nécessaire que nous exprimions notre conviction que la parole de Jésus révèle aux hommes et aux femmes à la fois l'amour de Dieu pour eux et leur dignité d'enfants de Dieu. Nos contemporains ont besoin de voir des chrétiens chez qui brûle le feu de l'Évangile. À la suite de Jésus, il faut prendre le risque de nous compromettre au nom de notre foi.

    Il y a un bon usage de l'Évangile à faire si on veut lui conserver sa force d'impact. Les paroles de Jésus ne sont pas des arguments massus que l'on brandit à tort et à travers. Il faut éviter une lecture fondamentaliste de ces paroles parfois ambiguës. Une mauvaise interprétation risque de faire de l'Évangile un feu incendiaire et destructeur. Jésus ne veut pas détruire mais faire vivre les hommes et les femmes de sa parole. Si sa parole est un feu dévorant, c'est afin de nous purifier de tout ce qui nous retient d'aimer Dieu et notre prochain; c'est aussi pour faire de nous des témoins heureux de l'espérance qui nous habite et des acteurs importants de la venue du règne de Dieu. Jésus veut que ceux et celles qui se réclament de lui avivent le feu de l'Évangile dans un monde qui cherche des valeurs qui contribueront à donner un sens à la vie.

Yves Guillemette ptre curé