
|
14 février 2016
Chemins de carême
Nous avons quarante jours devant nous pour réveiller notre conscience chrétienne en plongeant davantage au cœur de l’Évangile. Dans son message du Carême, le pape François insiste : le Carême de cette Année jubilaire « est un temps favorable qui permet finalement de sortir de notre aliénation existentielle grâce à l’écoute de la Parole et aux œuvres de miséricorde ». Voici de larges extraits du message du pape François pour le Carême, à lire et méditer à dose modérée pour mieux se laisser toucher par ce Dieu qui est fou d’amour pour les humains.
Le message du pape François
« C’est la miséricorde que je veux, et non les sacrifices » (Mt 9, 13)
Les œuvres de miséricorde dans le parcours jubilaire
Dans un premier temps, le pape évoque les grandes lignes de l’histoire de l’alliance entre Dieu et son peuple Israël et la présente comme une histoire de miséricorde, comme un drame d’amour. Puis le pape développe largement le thème des œuvres de miséricorde. En voici les passages les plus importants.
Une histoire de miséricorde
1. Le mystère de la miséricorde divine se dévoile au cours de l’histoire de l’alliance entre Dieu et son peuple Israël. Dieu, en effet, se montre toujours riche en miséricorde, prêt à reverser sur lui en toutes circonstances une tendresse et une compassion viscérales, particulièrement dans les moments les plus dramatiques, lorsque l’infidélité brise le lien du pacte et que l’alliance requiert d’être ratifiée de façon plus stable dans la justice et dans la vérité.
2. Ce drame d’amour atteint son point culminant dans le Fils qui s’est fait homme. Dieu répand en lui sa miséricorde sans limites, au point d’en faire la « Miséricorde incarnée » (Misericordiae vultus, n. 8).
3. Ceci constitue le cœur vibrant du kérygme apostolique où la miséricorde divine tient une place centrale et fondamentale. Il est « la beauté de l’amour salvifique de Dieu manifesté en Jésus-Christ, mort et ressuscité » (Exhort. apost. Evangelii gaudium, n. 36). La miséricorde alors « illustre le comportement de Dieu envers le pécheur, lui offrant une nouvelle possibilité de se repentir, de se convertir et de croire » (Misericordiae vultus, n. 21), restaurant vraiment ainsi la relation avec lui. En Jésus crucifié, Dieu veut rejoindre l’homme pécheur jusque dans son éloignement le plus extrême, précisément là où il s’est égaré et éloigné de lui. Et ceci, il le fait dans l’espoir de réussir finalement à toucher le cœur endurci de son Épouse.
La miséricorde en action
La miséricorde de Dieu transforme le cœur de l’homme et lui fait expérimenter un amour fidèle qui le rend capable d’être, à son tour, miséricordieux.
La charité agissante garde la foi éveillée
C’est à chaque fois un miracle que la miséricorde divine puisse se répandre dans la vie de chacun de nous, en nous incitant à l’amour du prochain et en suscitant ce que la tradition de l’Église nomme les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Elles nous rappellent que notre foi se traduit par des actes concrets et quotidiens, destinés à aider notre prochain corporellement et spirituellement, et sur lesquels nous serons jugés: le nourrir, le visiter, le réconforter, l’éduquer. C’est pourquoi j’ai souhaité que « le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Évangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine » (Ibid., n. 15).
Le pauvre, sacrement du Christ souffrant
Dans la personne du pauvre, en effet, la chair du Christ « devient de nouveau visible en tant que corps torturé, blessé, flagellé, affamé, égaré… pour être reconnu par nous, touché et assisté avec soin » (Ibid.). Inouï et scandaleux mystère qui prolonge dans l’Histoire la souffrance de l’Agneau innocent, buisson-ardent brûlant d’un amour gratuit, et devant lequel nous ne pouvons, à la suite de Moïse, qu’ôter nos sandales (cf. Ex, 3, 5); et ceci plus encore quand ce pauvre est notre frère ou notre sœur en Christ qui souffre à cause de sa foi.
Face à cet amour, fort comme la mort (cf. Ct, 8, 6), le pauvre le plus misérable est celui qui n’accepte pas de se reconnaître comme tel. Il croit être riche mais, en réalité, il est le plus pauvre des pauvres. Et s’il est tel, c’est parce qu’il est esclave du péché qui le pousse à user de la richesse et du pouvoir non pas pour servir Dieu et les autres, mais pour étouffer en lui l’intime conviction de n’être, lui aussi, rien d’autre qu’un pauvre mendiant. D’autant plus grands sont le pouvoir et les richesses dont il dispose, d’autant plus grand est le risque que cet aveuglement devienne mensonger. Il en vient à ne même plus vouloir voir le pauvre Lazare qui mendie à la porte de sa maison (cf. Lc 16, 20-21), figure du Christ qui, dans les pauvres, mendie notre conversion.
Les risques d’aveuglement qui nous guettent
Lazare est cette opportunité de nous convertir que Dieu nous offre et que peut-être nous ne voyons pas. Cet aveuglement est accompagné d’un délire orgueilleux de toute-puissance, dans lequel résonne, de manière sinistre, ce démoniaque « vous serez comme des dieux » (Gn 3, 5), qui est à la racine de tout péché. Un tel délire peut également devenir un phénomène social et politique, comme l’ont montré les totalitarismes du XXe siècle, et comme le montrent actuellement les idéologies de la pensée unique et celles de la technoscience qui prétendent réduire Dieu à l’insignifiance et les hommes à des masses qu’on peut manipuler. Ceci, de nos jours, peut être également illustré par les structures de péché liées à un modèle erroné de développement fondé sur l’idolâtrie de l’argent qui rend indifférentes au destin des pauvres les personnes et les sociétés les plus riches, qui leur ferment les portes, refusant même de les voir.
Les œuvres de miséricorde, corporelles et spirituelles
Pour tous, le Carême de cette Année jubilaire est donc un temps favorable qui permet finalement de sortir de notre aliénation existentielle grâce à l’écoute de la Parole et aux œuvres de miséricorde. Si à travers les œuvres corporelles nous touchons la chair du Christ dans nos frères et nos sœurs qui ont besoin d’être nourris, vêtus, hébergés, visités, les œuvres spirituelles, quant à elles, – conseiller, enseigner, pardonner, avertir, prier – touchent plus directement notre condition de pécheurs. C’est pourquoi les œuvres corporelles et les œuvres spirituelles ne doivent jamais être séparées. En effet, c’est justement en touchant la chair de Jésus crucifié dans le plus nécessiteux que le pécheur peut recevoir en don la conscience de ne se savoir lui-même rien d’autre qu’un pauvre mendiant.
Tous mendiants de la miséricorde
Grâce à cette voie, « les hommes au cœur superbe », « les puissants » et « les riches », dont parle le Magnificat ont la possibilité de reconnaître qu’ils sont, eux aussi, aimés de façon imméritée par le Christ crucifié, mort et ressuscité également pour eux. Cet amour constitue la seule réponse à cette soif de bonheur et d’amour infinis que l’homme croit à tort pouvoir combler au moyen des idoles du savoir, du pouvoir et de l’avoir. Mais il existe toujours le danger qu’à cause d’une fermeture toujours plus hermétique à l’égard du Christ, qui dans la personne du pauvre continue à frapper à la porte de leur cœur, les hommes au cœur superbe, les riches et les puissants finissent par se condamner eux-mêmes à sombrer dans cet abîme éternel de solitude qu’est l’enfer. C’est alors que résonnent à nouveau, pour eux comme pour nous tous, les paroles ardentes d’Abraham: « Ils ont Moïse et les Prophètes, qu’ils les écoutent! » (Lc 16, 29). Cette écoute agissante nous préparera le mieux à fêter la victoire définitive sur le péché et sur la mort de l’Époux qui est désormais ressuscité, et qui désire purifier sa future Épouse dans l’attente de son retour.
Ne laissons pas passer en vain ce temps de Carême favorable à la conversion! Nous le demandons par l’intercession maternelle de la Vierge Marie, qui, la première, face à la grandeur de la miséricorde divine dont elle a bénéficié gratuitement, a reconnu sa propre petitesse (cf. Lc 1, 48) en se reconnaissant comme l’humble servante du Seigneur (cf. Lc 1, 38).
Quelques ressources pour approfondir le sens de la Miséricorde :
- Le dépliant de présentation : Année sainte de la miséricorde (disponible à l’entrée de l’église).
- La Bulle Le Visage de la miséricorde, pape François.
- Le nom de Dieu est miséricorde, livre-entrevue avec le pape François
- « Sa miséricorde s’étend d’âge en âge », revue biblique numérique Parabole, décembre 2015 (Socabi) : www.interbible.org/parabole
- « Tel Fils, tel Père », revue biblique numérique Parabole, à paraître en mars 2016 (Socabi) : www.interbible.org/parabole
- Dossier sur la miséricorde sur www.diocesemontreal.org