12 février 2017

L’Inachevé

Il y a déjà quelques dimanches, nous avons entendu à la messe le texte des béatitudes. Depuis ce dimanche-là, il y a eu l’attentat terroriste dans la grande mosquée de Québec, qui a secoué notre quiétude et révélé la fragilité de notre vie en société que l’on veut consensuelle; sans oublier des choix controversés réalisés par la nouvelle administration de nos voisins du sud. On doit se rendre à l’évidence que la concorde de toute vie en société passe par le respect mutuel. Je vous propose une réflexion sur les béatitudes qui ont l’avantage d’être toujours contemporaines de qui les écoute.

D’entrée de jeu, nous pourrions penser que les béatitudes n’ont pas besoin de présentation puisque nous les connaissons tellement bien. Elles font partie des plus beaux passages de l’Évangile. Le danger serait justement là, que nous en arrivions à ne plus percevoir leur force d’interpellation. À l’inverse, ne pourrait-on pas envisager les béatitudes comme de saintes habitudes de vie chrétienne, exigeantes bien sûr, mais combien inspirantes.

Les 9 béatitudes ouvrent de façon magistrale le discours de Jésus sur la montagne, une sorte de charte de la vie chrétienne. Les béatitudes apparaissent comme la voie à suivre pour entrer dans le monde nouveau de Dieu, dans son royaume. D’ailleurs la première est un appel à la conversion : « Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des cieux est à eux ». Le second membre de la béatitude est au présent. C’est donc aujourd’hui qu’il faut saisir le message de l’évangile comme lumière sur le chemin de notre vie. Avoir un cœur de pauvre, c’est avoir assez d’humilité pour nous ouvrir à plus grand que soi, en fait pour nous ouvrir à Dieu qui se fait tout proche de nous. L’humilité est une disposition intérieure de détachement, de désappropriation, de liberté par rapport à nos aspirations à nous procurer par nos propres moyens les sources de notre bonheur. La pauvreté du cœur permet d’accueillir la manière d’être et de vivre de Jésus tant au niveau de sa relation à Dieu et aux autres, fondée sur l’amour et la confiance.

La pauvreté du cœur rend possible les attitudes évoquées dans les autres béatitudes : la miséricorde, la douceur, la faim de justice, la pureté du cœur, la recherche de la paix. On aura remarqué que nous ne pourrons pas saisir dans le monde présent les pleins résultats de notre conversion à la Bonne Nouvelle annoncée par Jésus. Les béatitudes nous rappellent que nous sommes des êtres en devenir jusqu’au jour où nous entrerons dans la plénitude de la vie, dans la pleine communion avec Dieu qui est Amour. Dans le temps qui nous est offert, nous vivons dans l’inachevé, selon les mots du Père Benoît Lacroix dans le dernier livre qui recueille ses pensées (Rumeurs à l’aube, Fides). Les béatitudes nourrissent en nous le désir de devenir de plus en plus fils et fille de Dieu, sur les traces de Jésus, le Fils bien-aimé.

Yves Guillemette ptre