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15 mai 2022
Pas de foi sans agapè
Jésus vient de laver les pieds de ses disciples, inaugurant ainsi son repas d’adieu. Le geste est inusité de la part d’un maître de maison. Pierre sursaute : cela ne convient pas. Comme après beaucoup d’autres actions ayant valeur de signe, Jésus se met à révéler la portée spirituelle de son geste. C’est par un commandement nouveau que Jésus explique le geste du serviteur qu’il a posé auparavant : Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres (Jn 13, 34-35). Le commandement nouveau associé au lavement des pieds définit la manière chrétienne d’être et de vivre : pour aimer son frère, sa sœur en mémoire de Jésus Christ, il faut se faire humble pour servir le Christ présent en lui, en elle, même si les apparences ne nous y invitent pas toujours.
Pour comprendre un peu mieux la pensée de Jésus sur l’amour, telle que rapportée par Jean, tournons-nous vers la langue grecque. Jean aurait pu employer le terme philos, qui désigne l’amour de l’autre, pour définir le commandement de l’amour fraternel. L’autre terme eros qui traduit l’amour passion, sensuel, ne convenait pas, on en convient. Il emploie plutôt le terme agapè, l’amour de charité, qui désigne presqu’exclusivement l’amour de Dieu. Mais quand l’amour est reçu de Dieu dans la prière, on fait l’expérience qu’il y a quelque chose de divin dans l’amour fraternel que Jésus élève au rang de commandement. Le moine Bernard Poupart écrit à ce propos : « L’amour que je reçois ne peut que me traverser pour me tourner vers les autres. Je ne peux pas rester dans un échange d’amour avec Dieu » (La face humaine de Dieu, Médiaspaul, p. 97).
L’agapè est un amour gracieux, gratuit, désintéressé qui s’exprime par le service, à la suite du Christ qui est venu pour servir et non pour être servi. Le service est « l’expression d’un amour qui se plaît simplement à aimer ». L’agapè est désintéressé, il est motivé par le bien de l’autre : aimer l’autre pour qu’il en soit heureux. Un tel amour est exigeant mais non impossible à vivre, car il révèle la vérité et la solidarité de notre foi en Dieu qui est Amour – Agapè. C’est par un amour de cette qualité que nous donnons de la crédibilité à notre foi et à notre appartenance au Christ.
Yves Guillemette ptre